Homélie du Père Jean-Pierre pour la fête de la Toussaint
Nous voici parvenus à la fête de Toussaint. Nous avons peut-être du mal à en faire une fête joyeuse. Toutes ces visites aux cimetières réveillent en nous de douloureux souvenirs. En ce jour, beaucoup se sont mis en route vers la terre de leur famille pour se souvenir de ceux qui nous ont précédés. Toutes ces fleurs que nous avons déposées sur les tombes de nos défunts veulent témoigner de l’affection que nous leur portons.
C’est vrai, nous ne pouvons pas faire moins un jour de Toussaint. Mais nous pouvons faire beaucoup mieux. Cette journée est bien plus que celle du souvenir. C’est surtout la fête de l’avenir. Oui, frères et sœurs chrétiens, La sainteté c’est en effet l’avenir proposé par Dieu à tous les hommes. Tous les hommes sont appelés à devenir des saints. Le problème c’est que, trop souvent, nous parlons bien mal de la sainteté ; nous nous en faisons une fausse image. Nous imaginons les saints comme des êtres lointains, bien au-dessus de nous, qui ont accomplis des performances extraordinaires à coups de renoncements et de sacrifices exceptionnels.
La première chose que nous ne devons jamais oublier, c’est que Dieu seul est saint. La première lecture nous dit que c’est lui qui marque et qui rassemble le peuple élu. C’est lui qui offre à tous, le véritable bonheur. Tous ces hommes et ces femmes qui ont été reconnus saints, étaient des gens comme nous. Ils ont connu comme nous les limites de la nature humaine. Mais ils se sont livrés tout entiers, avec leurs qualités, leurs défauts et leurs passions au dynamisme de Dieu et à son amour passionné. Tous ces morts que nous pensions emportés dans la tourmente sont avec Jésus dans le bonheur de son Royaume. Ils ont obtenu la récompense de leur amour et de leur fidélité. Ce message est important pour notre époque troublée et bouleversée. Accueillons-le comme un appel à réchauffer notre espérance.
Les chrétiens d’aujourd’hui comme ceux d’autrefois ont besoin des héros, oui, notre monde d’aujourd’hui a besoin des modèles. Il y a quelques semaines, nous avons fait un pèlerinage à Chartres « Sur les pas de Franz Stock ». Cette année pastorale aussi, dans notre paroisse, nous voulons conformer notre vie chrétienne à celle de St. Joseph. Ce n’est pas de l’utopie. Osons aller au large. Oui, la perfection chrétienne est réalisable. La Sainteté est possible.
N’oublions jamais qu’avant d’être mis sur un piédestal, les saints ont cheminé comme chacun de nous. Leur vie a été un combat contre les forces du mal. Ce que Dieu a réalisé pour chacun d’eux, il le veut aussi pour nous. Nous partageons avec eux la même vocation. Pour y parvenir, Jésus nous montre le chemin. C’est l’évangile qui vient d’être lu.
« Heureux les pauvres de cœur ! » Ne nous y trompons pas. Cette pauvreté dont parle Jésus n’est pas la misère. La pauvreté est toujours un fléau contre lequel il nous faut lutter en lien avec les organismes de solidarité. L’hiver qui arrive est là pour nous le rappeler. Le bonheur des pauvres de cœur dont parle Jésus, c’est tout autre chose. Et il ne concerne pas que la vie future ; il est surtout pour la vie présente : Jésus promet le bonheur immédiat à ceux qui ne sont pas pleins d’eux-mêmes mais qui sont aptes à accueillir le Royaume de Dieu. Ici la pauvreté est avant tout une disposition du cœur.
Pour comprendre toute la portée de ces béatitudes, c’est vers le Christ que nous devons nous tourner. Il est le pauvre de cœur qui attend tout de Dieu et qui choisit de lui être fidèle jusqu’au bout. Il est le doux, celui qui relève la femme adultère sans brusquer ses accusateurs. Il ne cherche pas à mettre les coupables dans l’embarras ; et surtout il se réjouit quand il rencontre des gens de bonne volonté (Zachée qui s’est engagé à rembourser ses victimes et à partager avec les pauvres). Il est le miséricordieux qui se penche vers les misères physiques et morales et qui cherche à les apaiser. Il est l’artisan de paix qui invite sans cesse à pardonner et qui a donné l’exemple sur la croix : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Quant à être persécuté, il suffit de lire la Passion pour s’en rendre compte. Lui le Fils de Dieu a été condamné au nom même de Dieu.
Ces béatitudes de l’évangile sont avant tout un portrait de Jésus lui-même. Elles nous montrent le chemin pour parvenir au vrai bonheur. Accueillons-les comme un appel à nous laisser modeler par lui à son image. Alors, tous ensembles, nous dessinerons son portrait. Comme un vitrail, nous reflèterons sa lumière pour que tous les hommes nos frères puissent être attirés par Lui.
Quelqu’un a dit que la Toussaint c’est la « séance de rattrapage ». Elle nous annonce la destinée glorieuse de tous les membres du Peuple de Dieu, non pas les purs mais les pécheurs sauvés, les pécheurs que Dieu veut combler de sa sainteté à lui. Marie, la Reine de la Paix et de tous les saints est toujours là pour nous ramener inlassablement vers le Christ. C’est avec elle que tous les saints ont appris à tout recevoir comme un don gratuit du Fils. Et c’est avec elle qu’ils vivent actuellement cachés dans le secret du Père.
En union avec la foule immense de tous les saints du ciel et avec tous les chrétiens du monde entier, chantons notre action de grâce au Seigneur. Et nous lui demandons qu’il nous donne force et courage pour faire de notre vie une marche vers lui, vers ce Royaume qu’il a préparé pour tous ceux et celles qui acceptent de le suivre.