Message de Monseigneur Christory du vendredi 16 juillet 2021. « En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux ! »
La vie d’un évêque est jalonnée de rencontres, ce qui en fait assurément le charme. Par exemple et suite à la décision du chef de l’État, chaque 9 juillet sera dorénavant « la journée de la police nationale » en écho à loi du 9 juillet 1966 instituant notre police nationale. À Chartres nous étions une centaine de personnes rassemblées et je fus heureux d’y être pour que notre Église soit présente aux côtés d’hommes et de femmes qui ont un métier exigeant, difficile et qui les met au contact de beaucoup de misères humaines. Le chapelet dans la poche pour une prière discrète, je demandais à Dieu force et courage pour ces personnes qui partagent les soucis de tout un chacun, qui participent à la construction d’une société en quête de sens et qui pour beaucoup ont une famille et élèvent avec amour leurs enfants. Pourtant ils sont souvent critiqués et même menacés. Nos échanges sympathiques exprimaient l’existence d’une tension croissante entre les gens, une difficulté à supporter les incivilités. Est-il encore possible de partager l’espace commun avec civilité ? Comment retrouver la sérénité entre citoyens ? Comment susciter un surcroît de bienveillance ? Si des tensions existent, il y a aussi beaucoup d’initiatives positives qui démontrent que l’homme est capable du meilleur ! : des projets associatifs qui fleurissent dans nos villages, des lieux d’échanges de talents et de biens, le covoiturage ou la voiture en partage, des activités d’été proposées par les municipalités aux enfants et aux jeunes.
L’Église catholique porte également des projets d’été pour se retrouver dans la bonne humeur, la découverte de la nature et la foi partagée. Pensons aux camps scouts par exemple et à toutes les sessions catholiques d’été où jeunes et adultes vivent quelques jours de prière et de formation à la vie spirituelle. À Chartres, une soixantaine de jeunes, entre 8 et 18 ans, participent à une école de prière. Ce concept fleurit largement dans le diocèse mais aussi en France. Cinq jours pour découvrir l’art de la prière, la lectio divina de l’Évangile, le chapelet, apprendre à écouter la voix de Dieu, entrer dans la prière liturgique, le tout accompagné de louanges soutenues par des chants joyeux. Mettre de la lumière là où l’ombre de la tristesse plane, voici une belle vocation qui nous est confiée. Il ne s’agit pas de se satisfaire d’une lumière artificielle, de paillettes, mais de vivre dans la présence de Jésus-Christ nous invitant à nous aimer. Là où nous prenons du repos durant l’été, cherchons à vivre avec l’Église locale des liturgies dominicales différentes. Plongeons dans une lecture priante des textes de la messe quotidienne pour nous en imprégner et demandons au Saint Esprit comment ces mots peuvent éclairer notre agir. Lisons un bel écrit spirituel telle une vie de saint toujours édifiante même sous forme de bandes-dessinées appréciées des enfants comme des adultes.
Maintenant, je me propose de continuer la lecture de l’exhortation apostolique « La joie de l’Évangile » (Evangelii Gaudium) du Pape François. Nous lisions la semaine dernière le lien entre l’évangélisation et l’expérience de la foi. Le pape met en valeur la transformation missionnaire nécessaire pour notre époque, la créativité et le renouveau des projets, dans l’écoute du Saint Esprit. Le chapitre deux porte un titre moins alléchant puisqu’il veut décrire les défis du monde actuel en refusant l’économie de l’exclusion, la nouvelle idolâtrie de l’argent qui gouverne au lieu de servir, les disparités sociales qui suscitent la violence. Dans ce monde en mutation constante, où les cultures se rapprochent mais s’opposent, où le risque du communautarisme est grand, le pape veut nous encourager sur une voie positive en parlant du « défi d’une spiritualité missionnaire. » Nous savons que notre baptême nous appelle à la sainteté et à la mission. Cette considération, développée par le magistère depuis des siècles, est au cœur de l’enseignement des papes depuis le Concile Vatican II. L’Église est missionnaire dans sa nature. Il serait donc intéressant, amis lecteurs, que chacun prenne le temps de lire la partie intitulée « Tentations des agents pastoraux. » Je vais essayer d’en reprendre quelques éléments.
Le pape dit que le témoignage des chrétiens dans le monde le « soutient dans son aspiration personnelle pour se donner davantage. » Je le cite maintenant longuement car la vie de l’Église est ample même si elle est souvent bien peu médiatisée. « Cependant, je dois dire en premier lieu et en toute justice, que l’apport de l’Église dans le monde actuel est immense. Notre douleur et notre honte pour les péchés de certains des membres de l’Église, et aussi pour les nôtres, ne doivent pas faire oublier tous les chrétiens qui donnent leur vie par amour : ils aident beaucoup de personnes à se soigner ou à mourir en paix dans des hôpitaux précaires, accompagnent les personnes devenues esclaves de différentes dépendances dans les lieux les plus pauvres de la terre, se dépensent dans l’éducation des enfants et des jeunes, prennent soin des personnes âgées abandonnées de tous, cherchent à communiquer des valeurs dans des milieux hostiles, se dévouent autrement de différentes manières qui montrent l’amour immense pour l’humanité que le Dieu fait homme nous inspire. Je rends grâce pour le bel exemple que me donnent beaucoup de chrétiens qui offrent leur vie et leur temps avec joie. » (n°76) Mais le pape note que l’esprit du monde, le relativisme doctrinal, l’individualisme, l’attrait pour le confort, la baisse de la ferveur, la peur du jugement, tout ceci nous entraîne vers une sorte de complexe d’infériorité conduisant à occulter notre identité chrétienne et nos convictions jusqu’à mettre en berne notre don de soi dans la mission. Le pape parle du développement de la « psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en momies de musée. » (n°83) C’est pourquoi « ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire ! » ajoute-t-il. Refusons l’acédie égoïste limitant le dynamisme missionnaire qui apporte pourtant sel et lumière au monde.
On peut donc se poser la question suivante : comment progresser dans la foi et le témoignage joyeux ? La joie de l’Évangile est celle que rien ni personne ne pourra jamais enlever. (cf. Jn 16, 22) Au lieu de l’abattement, prenons les maux de notre monde comme des défis pour croître. Reconnaissons que les failles de la société peuvent laisser passer la lumière de l’Esprit qui renouvelle la vie des personnes. Le pape dit encore refuser les prophètes de malheur qui voient le monde comme une permanente désertification spirituelle. Certes cette société manque de foi, manque d’espérance en la Providence de Dieu, se replie sur elle-même, mais on y trouve bien des âmes assoiffées qui attendent le témoignage de Jésus-Christ qui les sauve du péché et de la mort. « L’Évangile nous invite toujours à courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre. » (n°88) « Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse. » Ici, le pape précise que la spiritualité qui comble et guérit appelle en même temps à la communion solidaire et à la fécondité missionnaire. La foi ne peut pas se vivre dans la seule prière et l’adoration. Elle étend son manteau de charité vers les pauvres et les délaissés de la vie. Et par réciprocité, toutes les personnes rejointes par les œuvres sociales doivent pouvoir être accompagnées vers le demeure de Dieu, dans la prière et la liturgie pour expérimenter une rencontre personnelle avec le Christ Sauveur. Le pape a quelques propos savoureux que je vous invite à redécouvrir en lisant l’exhortation. Devant le zèle planificateur, il rappelle que « l’Église est glorieuse en tant qu’elle est histoire de sacrifices, d’espérance, de lutte quotidienne, de vie dépensée dans le service, de constance dans le travail pénible, parce que tout travail est accompli à la “sueur de notre front”. » (n°96)
Devant tous les défis, le manque de vocations consacrées, la fragilité des jeunes, nos églises de campagne trop souvent fermées, il existe bien un élan missionnaire déployé en France en cet été, par les mouvements ecclésiaux, les associations de fidèles, le scoutisme, les missions de plage, les retraites spirituelles dans les monastères et les sanctuaires, les écoles de prière, les pèlerinages de toutes sortes. « Qu’il est beau que des jeunes soient “pèlerins de la foi”, heureux de porter Jésus dans chaque rue, sur chaque place, dans chaque coin de la terre ! » Aussi « soyons réalistes, mais sans perdre la joie, l’audace et le dévouement plein d’espérance ! Ne nous laissons pas voler la force missionnaire ! » (n°109) Rappelons-nous comment Jésus-Christ compare le Royaume à une graine de moutarde, toute petite, qui pousse en un grand arbre sous lequel s’abritent les oiseaux. Ce Royaume grandit, nuit et jour, que nous veillons ou que nous dormions, car il est l’œuvre de la grâce qui se répand à la mesure de notre assentiment. Que chacun de nous soit généreux dans le témoignage de la foi cet été. Ce sera particulièrement le cas en la cathédrale de Chartres, véritable sanctuaire spirituel où les bénévoles accueilleront et guideront les visiteurs pour une itinérance spirituelle qui, nous l’espérons, ouvrira la porte vers la rencontre avec le bien-aimé Jésus.
Notre-Dame de Chartres est bien présente, et nous aimons la prier. Ensemble demandons lui des vocations consacrées et prions pour les couples et les familles.
« Sainte Marie, Mère de Dieu,
gardez-moi un cœur d’enfant, pur et transparent comme une source.
Obtenez-moi un cœur simple qui ne savoure pas les tristesses.
Un cœur magnifique à se donner, tendre à la compassion.
Un cœur fidèle et généreux, qui n’oublie aucun bien et ne tienne rancune d’aucun mal.
Faites-moi un cœur doux et humble, aimant sans demander de retour, joyeux de s’effacer dans un autre cœur devant votre divin Fils.
Un cœur grand et indomptable qu’aucune ingratitude ne ferme, qu’aucune indifférence ne lasse.
Un cœur tourmenté de la gloire de Jésus Christ, blessé de son amour
et dont la plaie ne guérisse qu’au ciel.
Amen »