Message de Monseigneur Christory du 8 avril 2020. Mercredi Saint.
Chers amis et diocésains d’Eure et Loir,
Une grande solidarité se déploie pour aider les soignants. Entre le fondateur de Twitter qui vient d’offrir la somme rondelette d’un milliard de dollars et ces soeurs de la Consolation de Draguignan, dont deux qui viennent de notre diocèse de Chartres, qui fabriquent chaque jour quatre cents masques contre le virus, il y a toute la variété des aides, des attentions et des partages. Certes, quand la lumière brille, il y a aussi des ombres et certains ne manquent pas d’imagination pour soutirer le plus d’argent possible par quelques trafics douteux. Mais nous espérons que le bien aura le dernier mot pour aider les malades, les familles endeuillées et nos soignants.
Aussi je lance un défi en tant qu’évêque de Chartres, puisque l’on parle sans cesse de la nécessité d’avoir des masques, que toutes les familles, dans toutes les maisons où il y a une machine à coudre, on fabrique des masques. Nous avons tous des vêtements et des tissus qui ne servent plus. Le journal l’écho Républicain a donné un patron pour la coupe des tissus, mais chacun pourra trouver cela sur Internet. On explique qu’il faut deux couches de coton de chaque côté d’une couche de polaire. Nos vieilles tenues de ski seront sacrifiées comme ces habits que l’on ne portera plus jamais. On peut aussi créer un espace pour glisser un filtre à café, fort efficace mais à changer à chaque lavage ! Alors je pose ce défi à tous les catholiques qui m’entendent : fabriquons des masques et apportons les à la paroisse qui se mettra en contact avec la mairie pour les donner aux bonnes personnes. Faites des masques colorés, avec des dessins joyeux. Faisons en autant que vous le pouvez. Apprenons aux enfants à coudre à travers ce défi. Soyons solidaires de ceux qui sont morts et de ceux qui sont terriblement atteints et surtout des soignants qui en ont besoin. Transformons le confinement en une occasion d’oeuvrer pour la vie. Puis faites des photos de vous avec les plus beaux masques et envoyez les au service communication du diocèse. N’hésitez pas à photographier les prêtres et les religieuses de votre paroisse ainsi équipés !
Maintenant, revenons à l’Évangile de ce mercredi qui est celui de la trahison de Judas : « En ce temps-là, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent. Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. » (Mt 26, 14-15) Comme il est complexe ce personnage ! Il nous serait facile d’avoir sur lui un jugement méprisant. Certes il est le traitre qui dénonce Jésus. Quelle blessure porte-t-il en lui ? Quelle est son histoire ? Pourquoi une telle jalousie ? Pourquoi l’appât de l’argent est-il puissant en lui ? Pourquoi le choix du mal ?
Pour Jésus, qui est l’accusé, quelle tristesse ! Voir un disciple, avec qui tout un temps de vie a été partagé empli de moments fraternels et miraculeux, devenir ce traître qui le dénonce. On peut penser que Jésus eut accepté la contradiction, la discussion, l’incompréhension et ce fut le cas parfois, mais il apparaît ici qui Judas préfère vendre son maître aux autorités politiques et religieuses. Quelle peur habite cet homme ? N’est-ce pas la peur qui parfois nous empêche nous-mêmes de nous mettre face à face, dans les couples ou les relations sociales diverses, pour exprimer aimablement un désaccord et dialoguer en vue d’une solution commune ?
Le coeur de Jésus en est profondément blessé : « L’insulte m’a broyé le cœur, le mal est incurable ; j’espérais un secours, mais en vain, des consolateurs, je n’en ai pas trouvé. » (Ps 68, 21-22) Cependant Jésus, connaissant le cœur des apôtres et leur fragilité, accepte la présence de Judas durant le repas de la sainte Cène où il se donne lui-même pour la première fois dans le pain et le vin eucharistiques, s’offrant définitivement pour l’Eglise naissante et l’invitant à faire cela en mémoire de lui. Il donne son propre corps à manger comme vraie nourriture spirituelle préfigurant le sacrifice de la Croix qui opèrera le Salut du monde.
Peut-on espérer que la grâce merveilleuse de la passion et de la résurrection sauvera Judas de sa trahison ? Jésus n’a-t-il pas dit : « Celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. » (Mt 10, 33) ? Et Jésus ajoute : « Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » (Mt 26, 24) Comment Jésus concilie ses paroles et l’amour sans condition qui jaillit de son cœur transpercé ? Nous avons toujours l’espérance que Dieu est lent à colère et plein d’amour, qu’il attend notre retour, comme pour le bon larron. Revenir vers lui, voici le sens de ce mercredi de semaine sainte. Judas fera le choix d’aller se pendre, aveuglé par son péché. Faisons le choix de nous mettre en prière, à genou, et d’implorer sa miséricorde plus grande que notre péché.
Face à cette scène dramatique, qui pourrait nous entraîner à opérer un tri entre les bons et les mauvais, nous sommes des pauvres. En vérité, nous nous comparons à la fois dans l’attitude du disciple bien-aimé qui penche sa tête sur le cœur de Jésus, aussi dans l’attitude orgueilleuse de l’apôtre Pierre qui affirme qu’il suivra son maître jusqu’à mourir pour lui, dans celle de celui qui est simplement observateur et muet, mais encore dans celle de Judas capable de trahir l’ami. Nos sentiments et nos choix au cours de notre histoire n’ont-t-ils pas été parfois l’un et l’autre ? Alors doit-on désespérer de soi ? Ne succombez pas au désespoir, car Dieu connaît le cœur de l’homme, Dieu a façonné l’homme à partir de la glaise pour lui communiquer son souffle (Cf Gn 1-2). Le don de Dieu est irrévocable, c’est un don d’amour qui, malgré le péché, ne se reprend pas pour qui se retourne avec confiance vers Dieu le Père en lui disant : « Père j’ai péché contre toi et mes frères, Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. » (Lc 15, 18-19) mais je sais que « En toi est la source de vie ; par ta lumière nous voyons la lumière.» (Ps 35, 10)
En ce mercredi saint, juste avant de vivre le triduum pascal, vivons chez soi une célébration de pénitence et de réconciliation. Chacun pourra trouver un moment personnel ou familial ou encore avec des amis en vous connectant. A 16h30 sur Radio Grand Ciel (sur la bande FM pour les euréliens ou sur le site Internet de la radio) une méditation est proposée pour vous aider à cette démarche de pardon. Vous la retrouvez sur le site du diocèse. Quand le dé-confinement le permettra, vous pourrez rencontrer un prêtre pour recevoir le sacrement de la Miséricorde. En attendant soyez sûr qu’il est là celui qui nous fait miséricorde. Il veut nous sauver, ne résistez pas à l’amour.
Voici alors que la joie du Ciel nous sera donnée. Car Jésus dit : « Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. » (Lc 15, 7)
Alors nous pourrons recevoir « la joie du Salut » (Ps 50, 14), cette joie qui ne peut nous être ôtée si nous demeurons dans la lumière, et nous pourrons reprendre le psaume de la messe de ce jour :
« Mais je louerai le nom de Dieu par un cantique,
je vais le magnifier, lui rendre grâce.
Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :
« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »
Car le Seigneur écoute les humbles,
il n’oublie pas les siens emprisonnés. » (Ps 68, 31. 33-34)
Maintenant je vous bénis au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
Et nous nous confions à la prière de la Vierge Marie, avec l’Angelus :
V. L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie
R/ Et elle conçut du Saint-Esprit.
Je vous salue Marie, ….
V. Voici la Servante du Seigneur
R/ Qu’il me soit fait selon votre parole.
Je vous salue Marie…
V. Et le Verbe s’est fait chair
R/ Et il a habité parmi nous.
Je vous salue Marie…
V. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu
R/ Afin que nous soyons rendus dignes des promesses du Christ.
Prions :
Que ta grâce, Seigneur, se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’Incarnation de ton Fils bien aimé, conduis-nous, par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par le Christ, notre Seigneur.
R/ Amen.
Je vous laisse une information sur nos diffusions radio et vidéo. Allez sur le site du diocèse et vous aurez tous les éléments de transmission. Nous remercions chartres.live qui fait beaucoup de travail pour nous filmer et transmettre dès l’office de la Cène ce jeudi à 20h et après. Une nouveauté importante : vous pouvez dès à présent demander des messes en indiquant la paroisse et l’intention (défunts, malades, etc) sur la page de Chartres dans le site jedonnealeglise.fr. Bonne journée.
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Mgr Philippe Christory
Maison diocésaine
22 avenue d’Aligre
28000 Chartres.