Message de Monseigneur Christory du 10 avril 2020. Vendredi Saint.

Chers amis et diocésains d’Eure et Loir,

Hier soir jeudi, avec la sainte Cène, nous sommes entrés dans le triduum pascal. À l’issue de l’adoration eucharistique au reposoir, le précieux corps de Jésus a été mis à l’écart, et non pas au tabernacle des églises qui est dorénavant vide et ouvert. La messe ne sera plus célébrée avant la Vigile de Pâques. En ce vendredi saint nous parcourons l’itinéraire douloureux de Jésus arrêté dans la nuit à Gethsémani, emprisonné et jugé au petit matin. « Voici l’homme ! » dira Pilate à la foule rassemblée. Comment reconnaître celui qui est Dieu fait homme quand tout son corps est déformé et meurtri par la torture ? Il n’avait plus figure humaine. Cela me rappelle Anne, restée douze années dans la rue, qui disait « dix ans après cette vie SDF, quand je regarde mon corps, j’y lis encore mon histoire et j’y vois tous les coups que la violence des hommes lui ont imposés ».

Aujourd’hui, vendredi saint, nous voyons Jésus porter sa croix et monter au Golgotha pour y être crucifié. Il est hissé entre deux malfaiteurs, l’un l’insultant et l’autre se tournant vers lui avec ces mots étonnants : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » (Lc 23, 42) Dans l’échange des regards, Jésus reconnaît toute la détresse d’un homme qui a fait le mal, jugé coupable par le pouvoir Romain, mis à mort, mais qui soudainement entrevoit comme une source de lumière au terme de sa vie minable. Cet homme a comme l’intuition que ce Jésus, injustement condamné, porte en lui une espérance qu’il n’a jamais connue dans son parcours de vie. Et Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (Lc 23, 43) Voici l’expression de l’ultime pardon. Nous pourrions ne pas apercevoir la demande de pardon exprimée par cet homme, pourtant elle transpire dans ces mots : « souviens-toi de moi » Ainsi la mort n’emporterait pas tout mais il resterait quelque chose de soi dans le cœur de Dieu. Soudainement cet homme espère que ce Rabbi pensera à lui. Mais Jésus va plus loin, lui fait la promesse qu’il sera, ce qui veut dire qu’il vivra, avec lui le soir même au paradis. Quel pardon !

Hier, en ce jeudi saint, des familles ont vécu le lavement des pieds entre époux, parfois avec leurs enfants, à l’invitation de Jésus : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » (Jn 13, 14-15) Quelques messages ont témoigné de votre joie. Le lavement des pieds est un geste délicat qui exprime fortement le désir de se réconcilier, de demander pardon.

Comprenons-nous que tout ce qui s’opère lors de la passion, durant ces trois jours, en vue de sauver l’humanité de la mort consécutive au péché, on peut le résumer à : « Dieu pardonne à son peuple » ? Le pardon est la forme que prend la justice de Dieu. Souvent par le passé, les hommes ont craint Dieu parce qu’ils ont imaginé une justice très comptable des fautes commises par les hommes. Or Dieu est miséricordieux.  La miséricorde est même plus qu’une qualité de Dieu, elle est sa propre nature. Seul Dieu est miséricordieux, Il l’est pour tous, chrétiens ou non, car sa miséricorde ne trie pas les êtres humains. Il l’est de manière éminente quand il fait justice, car sa justice consiste à nous rendre juste – rappelons nous saint Joseph que l’Ecriture qualifie d’homme juste – pour nous permettre d’être revêtu du vêtement de noces dans sa Gloire éternelle : « Un vêtement de lin fin lui a été donné, splendide et pur. » Car le lin, ce sont les actions justes des saints. Puis l’ange me dit : « Écris : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! » Il ajouta : « Ce sont les paroles véritables de Dieu. »  (Ap 19, 8-9)

En ce vendredi saint, beaucoup de vous auraient aimé se confesser et je ne vous cache pas que nous vos prêtres aurions aimé vous recevoir dans ce si beau sacrement de la réconciliation. Néanmoins nous pourrons poser un acte personnel chez soi devant une croix que l’on peut prendre en main pour contempler l’offrande du Christ et le remercier simplement du don total qu’il nous fait afin que nous vivions en demandant pardon pour nos péchés. Puis nous pourrons nous tourner vers les autres avec qui nous partageons un logement ou ceux envers qui nous aurions eu des mots blessants pour demander humblement miséricorde. Le pardon est un trésor que nous révèle l’Évangile comme pour la femme adultère : « Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » (Jn 8, 11)  Notre société a besoin d’une justice toujours plus humaine car on ne se débarrasse pas du mal en opprimant les gens mais en les réconciliant entre eux et avec la société. Ce vendredi saint est donc une opportunité pour s’interroger sur la place du pardon dans la société et dans la justice civile des hommes. Comment se vit le pardon dans un tribunal humain ? Espère-t-on qu’il demeure en tout homme ou toute femme ayant fait gravement le mal une part intacte de son humanité et capable du bien ?

En ce vendredi vous allez suivre le chemin de croix, particulièrement sur Radio Grand Ciel à 15h, ou le retrouver enregistré sur le site diocésaine de Chartres. Marchez à la suite de Jésus, accompagnez le comme Simon de Cyrène, comme Véronique qui essuie son visage, ou comme les femmes et la Vierge Marie qui l’accompagnent silencieusement. Ce soir, lors de l’office de la Passion, nous réécouterons dans l’Évangile de Saint Jean ce récit depuis l’arrestation jusqu’à la mise au tombeau. Ensuite par la longue intercession, nous prierons pour les membres de notre société, pour les malades et les soignants que nous remercions pour leur dévouement. Nous prierons aussi pour les femmes et les hommes impliqués en politique au niveau national ou local pour que la Sagesse de Dieu les inspire dans leurs décisions difficiles.

Nous ne les oublierons pas.

Maintenant je vous bénis au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Et nous nous confions à la prière de la Vierge Marie, avec l’Angelus :

V. L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie
R/ Et elle conçut du Saint-Esprit.
Je vous salue Marie, ….
V. Voici la Servante du Seigneur
R/ Qu’il me soit fait selon votre parole.
Je vous salue Marie…
V. Et le Verbe s’est fait chair
R/ Et il a habité parmi nous.
Je vous salue Marie…
V. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu
R/ Afin que nous soyons rendus dignes des promesses du Christ.

Prions :
Que ta grâce, Seigneur, se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’Incarnation de ton Fils bien aimé, conduis-nous, par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par le Christ, notre Seigneur.
R/ Amen.

Ce vendredi saint, vous pourrez suivre la sainte Cène soit depuis votre église paroissiale, certaines équipes ayant prévu une retransmission, soit à 20h sur Radio Grand Ciel et en vidéo depuis la cathédrale sur le site du diocèse, vous pourrez vous connecter dès 19h40 pour un temps de prière et de chants.


Mgr Philippe Christory
Maison diocésaine
22 avenue d’Aligre
28000 Chartres.

publié par Pierre-André