Message de Monseigneur Christory du 11 avril 2020. Samedi Saint.

Chers amis et diocésains d’Eure et Loir,

Ce jour, samedi saint, est unique dans l’année liturgique, nous sommes en attente, hier nous avions une histoire  plus chargée puisque Jésus était arrêté, jugé et mis à mort. C’est à travers la méditation du chemin de croix que nous avons vécu la montée vers le calvaire et sa crucifixion, puis le soir en relisant la passion dans l’Evangile de Saint Jean, nous avons continué à pénétrer le mystère du sacrifice du Christ, véritable agneau de Dieu, qui s’offre et sauve l’humanité de la mort causée par nos péchés.

Ce samedi, la corps de Jésus est au tombeau. On l’y a mis en hâte car c’est le shabbat pour les juifs, et il n’était pas possible de laisser un corps en croix ni de l’en descendre durant ce shabbat. Aussi, tout le monde est en attente, certains sont désespérés comme les disciples d’Emmaüs qui repartent chez eux sans espoir. D’autres affligés par tant de violence et d’acharnement contre Jésus innocent pleurent et prient Dieu de donner sens à la vie du rabbi Jésus. Et il reste quelques femmes, autour de la Vierge Marie qui leur dit d’espérer en la parole de l’ange Gabriel qui lui avait annoncé plus de trente années plus tôt : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » (Lc 1, 30-33) N’a-t-il pas dit que le Fils de l’homme serait condamné et mis à mort mais qu’il ressusciterait le troisième jour ? Quand est ce troisième jour ? Marie comme toute femme juive compte les jours du soir au soir, aussi ce samedi est déjà le second, et le troisième sera demain, le premier jour de la semaine, celui qui suit le shabbat. Marie vit toute cette journée dans la prière, médite encore et encore toutes les promesses que son peuple a reçues des prophètes, a une totale confiance en Dieu Père, elle regarde intérieurement celui qu’ils ont transpercé et l’implore d’accomplir ce que les écritures promettaient. Pour nous, c’est un temps d’attente. La vigile de ce soir ouvrira justement le troisième jour, celui de la résurrection, de la glorification du Fils par Dieu le Père. En attendant cette si belle liturgie qui aurait dû accueillir les baptêmes des catéchumènes, nous demeurons dans le silence et le recueillement. Aussi je vous propose de méditer un des nombreux textes lus ce soir qui retracent le plan du salut en commençant par la création, le sacrifice d’Isaac et l’exode hors d’Egypte. Puis sont lus les grands prophètes : Isaïe, Baruch, Ezéchiel. 

Celui-ci nous a transmis une merveilleuse promesse de la part de Dieu : « Je répandrai sur vous une eau pure et je vous donnerai un cœur nouveau » (Ez 36, 16-17a.18-28) Une fois de plus le prophète voit que le peuple élu, choisi par pur amour s’est prostitué avec les faux dieux, s’est vendu aux puissances étrangères, a fait preuve d’injustice, a fait la guerre. Aussi la vengeance de Dieu est terrible : « Alors j’ai déversé sur eux ma fureur, à cause du sang qu’ils avaient versé dans le pays, à cause des idoles immondes qui l’avaient rendu impur. » C’est la défaite militaire qui conduira les hébreux en exil, déportés à Babylone, leur temple pillé et détruit. Le prix de l’infidélité est toujours conséquent. Il serait bien de se le rappeler en ce XXIème siècle.  « Je les ai dispersés parmi les nations, ils ont été disséminés dans les pays étrangers. » Pour ces juifs c’est une peine très lourde car demeurer près de Jérusalem appartient à leur foi. En exil, malgré les encouragements de Jérémie à procréer et à s’organiser, c’est la mélancolie comme l’exprime le psaume 136 :

« Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ; 
aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes.
C’est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, 
et nos bourreaux, des airs joyeux : 
« Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion. »
Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? 
Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie ! »

Le Seigneur ne peut pas accepter que son saint Nom soit profané au milieu des nations païennes victorieuses. Alors Il annonce qu’il va changer le cours des choses, que ces mêmes nations païennes vont apprendre qui il est, vont comprendre que son peuple ingrat demeure le peuple de la promesse. Dieu veut manifester sa sainteté. Aussi annonce-t-il : « Je vous prendrai du milieu des nations, je vous rassemblerai de tous les pays, je vous conduirai dans votre terre. Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères : vous, vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu. » C’est un des plus beaux textes bibliques, une promesse merveilleuse ouverte vers l’avenir, pour tous. 

Cette promesse d’un coeur nouveau et d’un esprit nouveau est premièrement pour le peuple lui-même. Mais elle anticipe la Nouvelle Alliance en Jésus-Christ, né par l’opération du Saint Esprit en Marie qui l’engendre. Toute sa vie publique est accompagnée par l’Esprit qu’il reçoit abondamment lors de son baptême qu’il remettra au Père en rendant l’âme sur la croix. Or c’est encore l’Esprit Saint que Jésus promet d’envoyer sur l’Eglise et ses disciples une fois retourné dans la Gloire divine : « je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. » (Jn 15, 26). Les Actes des Apôtres forment un récit, écrit par l’évangéliste saint Luc, qui narre combien l’élan missionnaire et l’établissement de l’Eglise en toutes ces communautés locales et dispersées sont l’oeuvre de l’Esprit. Il agit avec puissance donnant des charismes à chacun en vue du bien commun. 

Maintenant, un cadeau : nous pouvons regarder en ce jour de samedi saint la figure de Marie. Elle est la femme dont le coeur s’est laissé pleinement saisir par l’Esprit depuis le début de cette incroyable aventure spirituelle. Son coeur est dorénavant empli et conduit par l’Esprit. En elle s’est accomplie de manière éminente et unique la prophétie d’Ezéchiel. C’est pour cela qu’un grand théologien, le père Henri de Lubac jésuite brillant à l’époque du Concile Vatican II, pourra dire que « tout ce que l’on dit de Marie peut être dit de l’Eglise et réciproquement ». Marie est la figure de l’Eglise en ce sens que la vie nouvelle dans l’Esprit nous est donnée à contempler en elle. Elle est parfaitement disciple vivant l’Evangile, modèle du disciple que nous cherchons à être. 

Aussi je vous encourage, en ce jour dans votre prière, à prendre Marie chez vous comme Mère de l’Eglise et notre mère à tous. 

Maintenant je vous bénis au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. 

Et nous nous confions à la prière de la Vierge Marie, avec l’Angelus :
V. L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie
R/ Et elle conçut du Saint-Esprit.
Je vous salue Marie, ….
V. Voici la Servante du Seigneur
R/ Qu’il me soit fait selon votre parole.
Je vous salue Marie…
V. Et le Verbe s’est fait chair
R/ Et il a habité parmi nous.
Je vous salue Marie…
V. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu
R/ Afin que nous soyons rendus dignes des promesses du Christ.

Prions :

Que ta grâce, Seigneur, se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’Incarnation de ton Fils bien aimé, conduis-nous, par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par le Christ, notre Seigneur.
R/ Amen.

Mgr Philippe Christory
Maison diocésaine
22 avenue d’Aligre
28000 Chartres

publié par Pierre-André