Message de Monseigneur Christory du vendredi 3 juillet 2020. “Seule la prière aplanit la voie vers l’unité.”

Cette semaine s’est ouverte par la fête du grand saint Irénée, évêque de Lyon au IIème siècle. Ce Père de l’Église nous a laissé un traité important intitulé Contre les hérésies dans lequel il offrait une synthèse de la foi chrétienne très développée. À cette époque, les théologiens disposaient de très peu d’écrits : l’imprimerie n’avait pas été inventée et la Bible chrétienne n’était pas encore rassemblée définitivement. Des manuscrits étaient recopiés par les églises locales. On se transmettait des exemplaires des lettres des apôtres, et le credo n’avait pas sa formule commune comme c’est le cas aujourd’hui. C’est d’ailleurs un beau signe de la puissance de l’Esprit Saint qui gardait les premières communautés des erreurs théologiques tout en maintenant l’unité dans la foi au Christ ressuscité. Saint Irénée aimait la Vierge Marie et lui donne le titre d’avocate, c’est-à-dire celle qui nous défend et intercède pour nous. L’œuvre de ce grand évêque de Lyon est aussi le témoignage de l’attention toute particulière que l’Église, depuis les débuts du christianisme, porte au mariage chrétien.

Après saint Irénée, nous avons fêté, le 29 juin, saint Pierre et saint Paul. Cette grande fête du calendrier liturgique est souvent le jour des ordinations diaconales et sacerdotales. Le diocèse de Chartres n’en comptait aucune cette année : que cela nous invite à prier, le cœur plein d’espérance pour l’avenir et en particulier pour Clément et Olivier nos deux séminaristes. Le pape François, dont nous connaissons le langage simple, direct et pastoral, a donné une magnifique homélie pour la fête des deux apôtres, qui sont les colonnes de l’Église. Aussi je vous propose d’en commenter quelques passages, car son texte spirituel est merveilleux. Les deux thèmes sont l’unité et la prophétie dans l’Église.

L’unité est voulue par Jésus. Dans sa grande prière sacerdotale (Jn 17), à la veille de sa mort, Jésus prie le Père pour que ses disciples soient un, c’est à dire unis, comme lui-même est uni avec son Père éternel. Le pape souligne combien Pierre, le pécheur de poissons, et Paul le pharisien érudit, sont socialement différents. Or ils sont devenus des frères qui, certes ont pu avoir des disputes, mais ont choisi profondément l’amour fraternel. Le pape commente ainsi : « Jésus ne nous a pas demandé de nous plaire, mais de nous aimer ». Cela est important car nous pourrions essayer la séduction et les petits arrangements pour avoir des relations facilitées. Mais là n’est pas l’amour. Ainsi, ajoute le saint Père, au sein de la première communauté chrétienne bien persécutée les membres « ne parlaient pas dans le dos, ils parlaient à Dieu » car « seule la prière défait les chaines, seule la prière aplanit la voie vers l’unité. » Le pape dit encore « dans les persécutions, tous prient ensemble avec insistance » (Ac 12,5). Personne ne se lamente ni ne critique les autorités responsables. Voici pourquoi la prière n’est pas une option, elle est une demande qui a valeur de commandement. L’Écriture sainte insiste : « Priez sans relâche » (1Th 5,17). « Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation » (Mt 26,41). « Quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret » (Mt 6,6). Prier, c’est notre vie de chrétien, notre chemin, notre vocation en tant que baptisé. De cette union à Dieu, nous vivrons une communion renouvelée en Dieu et entre nous. Mère Teresa, lors du chapitre générale des missionnaires de la Charité en 1973, décida que l’heure d’adoration hebdomadaire deviendrait quotidienne. Elle a témoigné que les relations entre religieuses et religieux furent transformées et approfondies. Et le nombre de vocations religieuses doubla.

Le second thème du pape François en la fête des saints Pierre et Paul est la prophétie. Le mot est souvent mal interprété : il ne s’agit ni de prédiction, ni de voyance. Le vrai prophète est celui qui médite la Parole de Dieu, qui demeure en prière à l’écoute de l’Esprit Saint, celui qui est capable, par grâce du Saint Esprit, de dire ce que Dieu veut nous enseigner en ce temps présent, celui qui discerne ce que Dieu réalise pour son peuple. Il est important que cette prophétie éclaire les membres de l’Église surtout en temps d’épreuves, car la souffrance aveugle. Par notre baptême nous devenons prophète du Seigneur. C’est merveilleux de penser que l’Esprit désire passer par nous pour enseigner et encourager. Le pape dans son homélie approfondit cela en disant : « la prophétie naît lorsqu’on se laisse provoquer par Dieu : non pas quand on gère sa tranquillité et qu’on contrôle tout. Elle ne naît pas de mes pensées, elle ne naît pas de mon cœur fermé. Elle naît si nous nous laissons provoquer par Dieu. Quand l’Évangile renverse les certitudes, la prophétie jaillit. Seul, celui qui s’ouvre aux surprises de Dieu devient prophète. » Cela veut dire que Dieu bouleversera nos vies si nous lui disons que nous sommes d’accord pour devenir prophète. Mais notre Église comme notre société n’ont-elles pas un besoin urgent de prophètes, qui prient et qui parlent au nom de Jésus ? C’est ce que confirme le pape :
« Aujourd’hui nous avons besoin de prophétie, mais de vraie prophétie : non de beaux parleurs qui promettent l’impossible, mais de témoignages que l’Évangile est possible. Il n’est point besoin de manifestations miraculeuses. Ça me fait mal lorsque j’entends proclamer : “Nous voulons une Église prophétique”. Bien. Que fais-tu, pour que l’Église soit prophétique ? Il faut des vies qui manifestent le miracle de l’amour de Dieu. Non de puissance, mais de cohérence. Non de paroles, mais de prière. Non de proclamations, mais de service. Tu veux une Église prophétique ? Commence à servir, et tais-toi. Non de théories, mais de témoignage. Nous n’avons pas besoin d’être riches, mais d’aimer les pauvres ; non de gagner pour nous-même, mais de nous dépenser pour les autres ; non du consentement du monde, se sentir bien avec tout le monde – chez nous on dit : “se sentir bien avec Dieu et avec le diable”, se sentir bien avec tout le monde – ; non, ce n’est pas une prophétie. Mais nous avons besoin de la joie pour le monde à venir ; non de ces projets pastoraux qui semblent avoir en soi leur efficacité, comme si c’étaient des sacrements, des projets pastoraux efficaces, non, mais nous avons besoin de pasteurs qui offrent leur vie : des amoureux de Dieu. »

Quelle question ne nous pose-t-il pas ? En cette fin d’année scolaire, toutes les équipes pastorales réfléchissent à la rentrée de septembre. Après la crise sanitaire que nous avons traversée et qui n’est pas encore totalement résolue, nous prions et pensons à la reprise des activités, nous remplissons nos agendas des rendez-vous habituels qui sont reconduits, nous décidons des dates des célébrations des sacrements initialement prévus au printemps dernier. Avons-nous assez prié ensemble ? Avons-nous remis l’agenda entre les mains de l’Esprit Saint pour qu’Il le remplisse ou, au contraire, y laisser de la place pour des surprises à venir ? Bien entendu, l’Esprit ne va pas se transformer en stylo pour écrire lui-même sur les pages blanches. Mais avons-nous pesé quelle sera la part de Dieu, l’espace de nos rendez-vous avec le Seigneur pour cette prière unifiante ? Comme la dîme monétaire est la première part de nos ressources matérielles que nous offrons à Dieu, la dîme du temps est la première tranche horaire disponible que je me dois de réserver à Dieu ! Mais si elle n’est pas inscrite dans l’agenda, jour après jour, nous le savons, il sera souvent bien difficile d’offrir cette dîme quotidienne de notre temps. Comme le disait sainte Jeanne d’Arc, « Messire Dieu, premier servi ». C’est ainsi que la grande Tradition ecclésiale nous demande de prier le matin, au lever du jour, comme les moines. Prier le matin, c’est sauver sa journée.

Nous sommes début juillet, le temps des vacances. Dans quelques jours commencera l’école de prière de Chartres. Plus de cinquante enfants et jeunes vont se retrouver à la maison de la Visitation pour six jours joyeux, priant et louant le Seigneur, méditant l’Évangile, le tout rythmé aussi par des jeux et de belles parties de ballon. Eux aussi sont des prophètes car qui n’est pas surpris de voir leur enthousiasme à approfondir la prière chrétienne en découvrant qu’elle permet d’écouter en soi-même Dieu nous parler. Ainsi la Bible n’est plus ce livre long et difficile à lire : elle devient une lettre d’amour écrite par des hommes que l’Esprit éclaire pour chacun et à chaque âge de la vie.

Avec la Vierge Marie, livrons-nous à l’Amour.

Maintenant je vous bénis au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Ensemble, prions l’Angelus.

V. L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie
R/ Et elle conçut du Saint-Esprit.

Je vous salue Marie, ….

V. Voici la Servante du Seigneur
R/ Qu’il me soit fait selon votre parole.

Je vous salue Marie…

V. Et le Verbe s’est fait chair
R/ Et il a habité parmi nous.

Je vous salue Marie…

V. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu
R/ Afin que nous soyons rendus dignes des promesses du Christ.

Prions :
Que ta grâce, Seigneur, se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’Incarnation de ton Fils bien aimé, conduis-nous, par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par le Christ, notre Seigneur. Amen

publié par Pierre-André