Message de Monseigneur Philippe Christory du vendredi 9 octobre 2020. « Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » (Lc 10, 36)
Alors que le pape François vient de signer une nouvelle encyclique consacrée à la Fraternité, le merveilleux passage sur le bon samaritain qui s’achève par cette question de Jésus à ses auditeurs, nous oblige à sonder notre cœur : comment prenons-nous soin de notre frère ? Que veut dire se faire le prochain d’un autre ? Le temps présent est opportun pour nous saisir de cet appel : l’urgence de la fraternité qui est au cœur de la mission.
Avant de parler de cette encyclique, j’aimerais faire mémoire d’un prêtre. Ce vendredi 2 octobre, le père Jean-Baptiste Brossier nous a quittés, c’était le jour de la fête des anges gardiens. Notre frère s’est endormi dans la mort pour son dernier voyage vers le Ciel. Il est vrai que depuis quelques semaines, il marchait fort doucement, mangeait peu, diminuant physiquement pour se préparer au grand passage. Résidant dans la maison des prêtres âgés de Saint-Chéron depuis plus de dix années, jusqu’à cet été il célébrait la messe de semaine pour ses frères fatigués ou malades et les amis fidèles à ce rendez-vous. A chaque eucharistie que j’y présidais, il allait vers le tabernacle pour prendre Jésus-Eucharistie qui serait apporté à chacun. Il servait autant qu’il le pouvait. Sa vue avait baissé, mais il demeurait attentif aux autres. Il regardait au cœur et par le cœur. Il restera pour beaucoup, même si de nombreux amis et frères en Christ l’ont précédé auprès de Dieu, un pasteur qui servit la plupart du temps en campagne d’Eure-et-Loir. Prions maintenant Notre-Dame de Chartres afin qu’elle l’accueille, elle qui est Mère des prêtres. Confions-lui notre prière pour les vocations sacerdotales afin qu’il les présente à Dieu quand il le contemplera dans sa Gloire.
Le mois missionnaire d’octobre est lancé. Il est placé sous la protection de Notre-Dame du Rosaire, fêtée ce mercredi 7 octobre, comme le veut la tradition. Plusieurs paroisses entreprennent un tour des clochers pour prier la Vierge chaque soir. Je ne peux que vous encourager à ouvrir votre église et aller au pied de Marie pour confier, par le chapelet, votre communauté, vos familles et votre village. D’autres commencent des parcours Alpha pour accueillir des personnes en recherche. Si vous êtes dans ce cas, si vous êtes en quête de réponses sur Jésus, la foi chrétienne et la vie de l’Église, ce peut être le bon lieu pour faire des rencontres et obtenir des réponses. Nous pourrions multiplier les initiatives, mais l’important est que notre propre cœur s’ouvre à la surprise de la rencontre et que celle-ci soit l’occasion d’un témoignage de foi et d’une prière. Je vous souhaite un heureux mois missionnaire !
Ce dimanche 4 octobre, en la fête de saint François d’Assise, le pape François a offert au monde une nouvelle encyclique, Fratelli tutti dont je vous commenterai quelques passages dans mes prochains messages. « Vous êtes tous frères » dit Jésus (Mt 23, 8). Si nous le sommes, c’est parce que nous avons un unique Père au Ciel, Dieu notre Seigneur. Cela signifie que notre lien est indélébile, qu’il est permanent, qu’il ne dépend ni de nos sentiments, ni de la profondeur de nos relations, qu’il nous rend responsables des autres. C’est un fait. Quel regard portons-nous sur l’autre, sur la personne que je ne connais pas, celui qui ne me ressemble pas ou qui vient d’une autre culture ? Frères et sœurs en Christ, nous le sommes, voilà ce que nous enseigne la foi. Pouvons-nous alors choisir de nous aimer les uns les autres ? Voici que cela engage notre volonté et ainsi notre responsabilité personnelle. Voici le défi du quotidien, découvrir que mon prochain a une valeur infinie dans le cœur de Dieu; aussi je peux le voir comme un frère ou une soeur. Quelle belle révélation nous est donnée là !
L’encyclique porte en sous-titre : « Sur la fraternité et l’amitié sociale. » Tout au long du texte, le pape François ne sépare pas l’amitié sociale de la fraternité. Son désir est de proposer « un nouveau rêve de fraternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots. » (n°6) Cette manière de présenter le lien entre ces deux réalités est profondément originale. Le saint Père affirme même la profonde correspondance entre l’une et l’autre : « la fraternité universelle et l’amitié sociale constituent partout deux pôles inséparables et coessentiels. Les séparer entraîne une déformation et une polarisation préjudiciables. » (n°142) Aujourd’hui, il est proposé de parler d’amitié sociale comme un bien commun entre les peuples ou entre les nations. Le pape émet le vœu que les groupes sociaux et politiques puissent entrer en amitié. Ne trouve-t-on pas là un écho de Hannah Arendt qui affirmait qu’avec « le dialogue se manifeste l’importance politique de l’amitié » ? La clé de l’amitié sociale est effectivement le dialogue c’est-à-dire « la capacité de donner et de recevoir, en demeurant ouverts à la vérité » (n°199). Or le dialogue passe par la culture dont les formes sont multiples et diverses, « la culture populaire, la culture universitaire, la culture des jeunes, la culture artistique et technologique, la culture économique et la culture de la famille, et la culture des médias. » (n°199) Nous ne parlons pas de n’importe quel dialogue mais de ces échanges et conversations qui sont fondés sur un authentique désir de rencontre et d’écoute en vue d’un enrichissement mutuel. C’est un dialogue dans lequel chaque personne impliquée se laisse traverser par les propos des autres. L’amitié sociale a besoin de bienveillance entre groupes et entre peuples : « elle suppose valorisation et respect, elle transfigure profondément le mode de vie, les relations sociales et la façon de débattre et de confronter les idées, lorsqu’elle devient culture dans une société. » (n°224) Cette amitié sociale au sein d’une même nation est à rechercher entre groupes sociaux différents, entre les pauvres et les riches, avec toujours la quête de l’option préférentielle pour les plus marginalisés et les déshérités. Le pape définit un principe indispensable pour construire l’amitié sociale : « l’unité est supérieure au conflit. » C’est bien cette unité que Jésus désire lorsqu’il prie son père « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17, 21) Mais cette unité n’est pas un syncrétisme ou une fusion, mais « le fruit de la compréhension et de l’engagement réciproque, pour atteindre une unité multiforme qui engendre une nouvelle vie. » (n°245)
De l’amitié sociale entre les groupes et les peuples peut naître la fraternité. Se sentir frères et sœurs est une étape importante de la maturité humaine. Il appartient à chaque individu de bâtir cette fraternité. C’est un projet ambitieux et toujours à reprendre. « Le projet même de fraternité est inscrit dans la vocation de la famille humaine. » (n°26) Cependant « Le problème, c’est qu’un chemin de fraternité, local et universel, ne peut être parcouru que par des esprits libres et prêts pour de vraies rencontres. » (n°50)
C’est donc un chemin d’humanité toujours à construire que le pape François propose. S’il est écrit que tous les hommes naissent égaux, cette égalité ne dure que bien peu de temps, au vue des conditions sociales si diverses. Nos états démocratiques affirment l’égalité entre tous, mais chaque jour nous constatons que cette égalité est une utopie et que la réalité est toute autre. Certains vivent dans une certaine aisance, tandis que d’autres manquent de l’essentiel. L’amitié est certes de la responsabilité de chaque personne, mais il est clair que ceux et celles qui bénéficient de plus de moyens matériels et économiques ont le devoir de porter leur attention et d’ouvrir leur cœur vers ceux qui doivent tout attendre des autres pour vivre. Il est tellement difficile de tendre la main ! Rappelons-nous les mots de saint Vincent de Paul « la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit. »
Il est toujours intéressant de lire les conclusions d’un texte. Le pape place la source de toute fraternité dans une relation à Dieu qui est Père de tous les êtres humain. Il nous dit : « Nous, croyants, nous pensons que, sans une ouverture au Père de tous, il n’y aura pas de raisons solides et stables à l’appel à la fraternité. Nous sommes convaincus que c’est seulement avec cette conscience d’être des enfants qui ne sont pas orphelins que nous pouvons vivre en paix avec les autres. En effet, la raison, à elle seule, est capable de comprendre l’égalité entre les hommes et d’établir une communauté de vie civique, mais elle ne parvient pas à créer la fraternité » (n°272) Car « sans vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres. » (n°273)
En ce mois missionnaire, je vous propose de mettre en œuvre le principe même de fraternité. Nous allons chaque jour croiser des personnes avec qui la rencontre n’est pas toujours aisée, car nous ne nous connaissons pas forcément. Les masques qui cachent une partie de nos visages sont de surcroît des obstacles pour la rencontre et le dialogue. Cependant, cette barrière ne peut pas avoir le dernier mot. Il nous reste le regard et celui-ci peut être signifiant pour entrer en relation. Osons un pas vers l’autre et soyons son prochain qui lui apporte écoute et réconfort. Osons emprunter le beau chemin de la fraternité.
Le texte du pape méritera d’autres approfondissements, notamment sur les causes de la dégradation de la fraternité dans la vie sociale, la gravité de la guerre, l’abolition de la peine de mort, etc. Nous en reparlerons dans nos messages suivants car le saint Père sait apporter aussi une belle espérance dont nous avons besoin.
Avec la Vierge Marie, confions ce temps missionnaire d’octobre et livrons-nous à l’Amour.
Maintenant je vous bénis au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
Ensemble, prions l’Angelus.
V. L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie
R/ Et elle conçut du Saint-Esprit.
Je vous salue Marie, ….
V. Voici la Servante du Seigneur
R/ Qu’il me soit fait selon votre parole.
Je vous salue Marie…
V. Et le Verbe s’est fait chair
R/ Et il a habité parmi nous.
Je vous salue Marie…
V. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu
R/ Afin que nous soyons rendus dignes des promesses du Christ.
Prions :
Que ta grâce, Seigneur, se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’Incarnation de ton Fils bien aimé, conduis-nous, par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de sa résurrection, par Jésus, le Christ notre Seigneur.
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